Il me fallut lever le camp. A cinq heures de marche de là, je n`avais toujours pas trouvé d`eau et rien ne pouvait me donner l`espoir d`en trouver. C`était partout la même sécheresse, les mêmes herbes ligneuses. Il me sembla apercevoir dans le lointain une petite silhouette noire, debout. Je la pris pour le tronc d`un arbre solitaire. A tout hasard; je me dirigeai vers elle. C`était un berger. Une trentaine de moutons couchés sur la terre brûlante se reposaient pres de lui.
Il me fit boire à sa gourde et, un peu plus tard, il me conduisit à sa bergerie, dans une ondulation du plateau. Il tirait son eau, excellente, d`un trou naturel, très profond, au-dessus duquel il avait installé un treuil rudimentaire.
Cet homme parlait peu. C`est le fait des solitaires, mais on le sentait sûr de lui et confiant dans cette assurance. C`était insolite dans ce pays dépouilié de tout. Il n`habitait pas une cabane mais une vraie maison en pierre où l’on voyait très bien comment son travail personnel avait rapiécé la ruine qu`il avait trouvée là à son arrivée. Son toit était solide et étanche. Le vent qui le frappait faisait sur les tuiles le bruit de la mer sur les plages.
Son ménage était en ordre, sa vaisselle lavée, son parquet balayé, son fusil graissé; sa soupe bouillait sur le feu. Je remarquai alors qu`il était aussi rasé de frais, que tous ses boutons étaient solidement cousus, que ses vêtements étaient reprisés avec le soin minutieux qui rend les reprises invisibles.
Il me fit partager sa soupe et, comme après je lui offrais ma blague à tabac, il me dit qu`il ne fumait pas. Son chien, silencieux comme lui, était bienveillant sans bassesse.
Il avait été entendu tout de suite que je passerais la nuit là; le village le plus proche étant encore à plus d`une journée et demie de marche. Et, au surplus, je connaissais parfaitement le caractère des rares villages de cette région. Il y en a quatre ou cinq dispersés loin les uns des autres sur les flancs de ces hauteurs, dans les taillis de chênes blancs à la toute extrémité des routes carrossables.
Ils sont habités par des bûcherons qui font du charbon de bois. Cc sont des endroits où l`on vit mal. Les familles, serrées les unes contre les autres dans ce climat qui est d`une rudesse excessive, aussi bien l`été que l`hiver, exaspèrent leur égoisme en vase clos. L`ambition irraisonnée s`y démesure, dans le désir continu de s`échapper de cet endroit.
Les hommes vont porter leur charbon à la ville avec leurs camions, puis retournent. Les plus solides qualités craquent sous cette perpétuelle douche écossaise. Les femmes mijotent des rancoeurs. Il y a concurrence sur tout, aussi bien pour la vente du charbon que pour le banc à l`église, pour les vertus qui se combattent entre elles, pour les vices qui se combattent entre eux et pour la mêlée générale des vices et des vertus, sans repos. Par là-dessus, le vent également sans repos irrite les nerfs. Il y a des épidémies de suicides et de nombreux cas de folies, presque toujours meurtrières.
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