Il avait perdu son fils unique, puis sa femme. Il s`était retiré dans la solitude où il prenait plaisir à vivre lentement, avec ses brebis et son chien. Il avait jugé que ce pays mourait par manque d`arbres. Il ajouta que, n`ayant pas d`occupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état de choses.
Menant moi-même à ce moment-là, malgré mon jeune âge, une vie solitaire, je savais toucher avec délicatesse aux âmes des solitaires. Cependant, je commis une faute. Mon jeune âge, précisément, me forçait à imaginer l’avenir en fonction de moi-même et d`une certaine recherche du bonheur. Je lui dis que, dans trente ans, ces dix mille chênes seraient magnifiques. Il me répondit très simplement que, si Dieu lui prêtait vie, dans trente ans, il en aurait planté tellement d`autres que ces dix mille seraient comme une goutte d`eau dans la mer.
Il étudiait déjà, d`ailleurs, la reproduction des hêtres et il avait pres de sa maison une pépinière issue des faînes. Les sujets qu`il avait protégés de ses moutons par une barrière en grillage étaient de toute beauté. Il pensait également à des bouleaux pour les fonds où, me dit-il, une certaine humidité dormait à quelques mètres de la surface du sol.
Nous nous séparâmes le lendemain.
L’année d`après, il y eut la guerre de 14 dans laquelle je fus engagé pendant cinq ans. Un soldat d`infanterie ne pouvait guère y réfléchir à des arbres. A dire le vrai, la chose même n`avait pas marqué en moi; je l`avais considérée comme un dada, une collection de timbres, et oubliée.
Sorti de la guerre, je me trouvai à la tête d`une prime de démobilisation minuscule mais avec le grand désir de respirer un peu d`air pur. C`est sans idée préconçue, sauf celle-là, que je repris le chemin de ces contrées désertes.
Le pays n`avait pas changé. Toutefois, au-delà du village mort, j`aperçus dans le lointain une sorte de brouillard gris qui recouvrait les hauteurs comme un tapis. Depuis la veille, je m`étais remis à penser à ce berger planteur d`arbres. «Dix mille chênes, me disais-je, occupent vraiment un très large espace.»
J’avais vu mourir trop de monde pendant cinq ans pour ne pas imaginer facilement la mort d`Elzéard Bouffier, d`autant que, lorsqu`on en a vingt, on considère les hommes de cinquante comme des vieillards à qui i ne reste plus qu`à mourir. Il n`était pas mort. Il était même fort vert. Il avait changé de métier. Il ne possédait plus que quatre brebis mais, par contre, une centaine de ruches. Ii s`etait débarrassé des moutons qui mettaient en péril ses plantations d`arbres. Car, me dit-il (et je le constatais), il ne s`était pas du tout soucié de la guerre. 1l avait imperturbablement continué à planter.
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