Chrétien de Troyes
(né en 1130 - mourit en 1190)
Il était poète français, l'un des plus importants de la littérature courtoise, qui s'est distingué comme l'auteur de romans consacrés au roi Arthur et à ses chevaliers.
Vraisemblablement né à Troyes comme le désigne son nom, Chrétien de Troyes est considéré comme l'un des plus grands auteurs de son temps, et il appartient à ces poètes lyriques du nord de la France qui furent influencés par les chansons d'amour des troubadours. Il commença sa carrière d'écrivain en traduisant "les Métamorphoses" et "l'Art d'aimer" d'Ovide, et fut également l'auteur de Guillaume d'Angleterre, récit inspiré de la légende de saint Eustache.
Ses romans les plus célèbres, composés en vers octosyllabiques, sont ceux qui narrent la légende du roi Arthur et les aventures des chevaliers de la Table ronde. Il ne fut pas l'inventeur de ces mythes, qu'il empruntait à la tradition bretonne, mais il est vrai qu'il sut leur conférer une dimension chrétienne nouvelle ainsi qu'une dimension humaine et psychologique étonnante. En outre, même si leur inspiration est celte et bretonne, les récits de Chrétien de Troyes s'inscrivent nettement dans le monde courtois français de la seconde moitié du XIIe siècle. L'invraisemblable et le merveilleux qui y règnent participent sans doute de ce mélange de deux influences. Les héros de Chrétien sont partagés — déchirés parfois — entre l'amour courtois (valeur nouvelle dans la société où écrit Chrétien) et l'aventure chevaleresque (valeur plus ancienne). Ainsi, même si l'amour s'accomplit, dans le mariage (le cas est rare, c'est celui d'Érec et d'Énide) ou hors du mariage (c'est la figure la plus fréquente, incarnée idéalement par Lancelot et Guenièvre), le chevalier ne peut rester sans activité; il recherche l'aventure, laquelle se présente sous forme d'exploits guerriers souvent doublés par des actions morales, telles que secourir les faibles ou conquérir le Graal.
Parmi ces romans, citons "Érec et Énide" (v. 1170), où l'auteur relate les exploits du chevalier Érec. Celui-ci conquiert l'amour de la belle Énide en se montrant invincible lors d'un tournoi, mais il est bientôt affaibli par son bonheur conjugal; le voici contraint d'accomplir des exploits chevaleresques pour prouver à tous — et à lui-même au premier chef —, sa valeur et son courage. "Lancelot ou le Chevalier à la charrette" (1170) est l'un des romans les plus célèbres de Chrétien. Il relate l'enlèvement de la reine Guenièvre et les exploits que doit accomplir Lancelot, son chevalier servant, pour la retrouver. Dans ce texte plus tardif, la concurrence entre l'amour et les exploits guerriers a tourné à l'avantage de l'amour : alors qu'Érec devait délaisser sa bien-aimée pour prouver sa valeur, Lancelot doit monter dans la charrette d'infamie et voir sa réputation de chevalier valeureux ternie pour les beaux yeux de Guenièvre.
"Yvain ou le Chevalier au lion" (1176-1179) reprend en quelque sorte la même problématique que Lancelot… ; le chevalier trop préoccupé par ses aventures paie cher sa négligence à l'égard de sa Dame.
Citons enfin "Perceval ou le Conte du Graal", (v. 1182), le dernier roman de Chrétien, qu'il a laissé inachevé. Il relate les aventures d'un jeune chevalier naïf parti à la recherche du Graal. L'auteur a conféré à ce dernier récit une dimension mythique très forte, tout en accentuant le caractère chrétien de la quête : l'amour profane cède ici la place à l'amour sacré. Si Perceval se montre incapable de conquérir le Graal, le récit inachevé laisse cependant la quête sans fin, c'est-à-dire ouverte à d'autres chevaliers, plus purs et plus méritants.
Imité par de nombreux poètes à travers l'Europe, Chrétien de Troyes est considéré comme le père du roman médiéval, notamment par la richesse et la finesse de ses investigations psychologiques et par la portée symbolique de ses intrigues.
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