Guillaume Apollinaire
(1880-1918)
Poète français dont l’oeuvre incarne l`esprit nouveau du début du siècle.
Les débuts
Né à Rome, fils naturel d’un officier italien et d’une aristocrate polonaise, Apollinaire, de son vrai nom Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky, passe le plus clair de son enfance en Italie, puis sur la Côte d’Azur où il fréquente les lycées de Monaco, de Cannes et de Nice. Arrivé à Paris en 1899, il occupe divers emplois gagne-pain avant d’être engagé comme précepteur en Rhénanie. Ce séjour d’un an en Allemagne (1901-1902) lui fournira les thèmes d’inspiration et le titre de ses neuf poésies Rhénanes, rassemblées dans le recueil "Alcools" en 1913. C’est aussi en Allemagne qu’il fera la rencontre d’une jeune Anglaise, Annie Playden — profondément épris, il sera éconduit —, expérience qui lui inspirera "la Chanson du mal-aimé", qui paraîtra pour la première fois en revue en 1909.
De retour à Paris (1903), il se lie d’amitié avec Alfred Jarry et André Salmon et collabore à plusieurs journaux littéraires, avant de fonder sa propre revue, "le Festin d’Ésope" (1903-1904), dans laquelle il donne une première version de "l’Enchanteur pourrissant", oeuvre poétique en prose. Pour subvenir à ses besoins et par goût pour la littérature libre, il entreprend bientôt la rédaction de romans érotiques, publiés sous le manteau ("les Onze Mille Verges", 1906; "les Exploits d’un jeune don Juan", 1911), édite des ouvrages libertins pour la collection "les Maîtres de l’amour", et établit des anthologies de l’Arétin, de Sade, de Nerciat et de Mirabeau.
Apollinaire et l'avant-garde picturale
A la même époque, il fait la rencontre du peintre Marie Laurencin (1908), qui l’introduit dans les milieux artistiques d’avant-garde et aura sur lui une influence durable. Devenu l’ami de Vlaminck, de Derain, de Picasso, de Braque et de Matisse, il se fait le défenseur de l’art nouveau, sujet de la conférence remarquée qu’il fera au Salon des indépendants en 1908.
L’année suivante, "l’Enchanteur pourrissant" paraît en volume, illustré par Derain de gravures sur bois. Peuplée de personnages mythiques empruntés aux romans de la Table ronde (Merlin, Viviane, Morgane), cette oeuvre de jeunesse, dont les surréalistes feront plus tard l’éloge, se veut une célébration des légendes de l’Occident (voir Arthurien, cycle). Toutefois, y sont sous-jacents des thèmes très personnels, comme le mystère de l’origine et le secret des pouvoirs de l’enchanteur-poète, à la fois menacé et inspiré par les forces vives de l’amour.
En 1910, Apollinaire publie "l’Hérésiarque et Cie" (recueil de seize contes merveilleux), puis, en 1911, les courts poèmes du "Bestiaire ou Cortêge d’Orphée", illustrés par Raoul Dufy de gravures sur bois. Alors que prend fin sa liaison avec Marie Laurencin, il fait paraître un essai théorique consacré à l’art contemporain, "les Peintres cubistes, méditations esthétiques" (1913) et "Alcools", recueil de ses meilleurs poèmes écrits entre 1898 et 1912.
"Alcools" et la modernité poétique
Composée à la manière d’une toile cubiste (juxtaposant des évocations et des sensations relevant de registres temporels et culturels différents), écrite en vers libres (où sont toutefois préservées la rime et l’assonance), sans aucune ponctuation (que le poète a supprimée lors des corrections d’épreuves), cette oeuvre renouvelle en profondeur la poésie française, conduite pour la première fois aux frontières de l’illimité et de l’avenir. Par la diversité de son inspiration, qui associe strophes bouffonnes et pathétiques, pages épiques exhumant de vieilles légendes rhénanes et chansons issues de la tradition populaire, portant l’empreinte de François Villon ou des romantiques, "Alcools" inaugure une perception nouvelle du monde et annonce par certains de ses accents le proche avènement du surréalisme. Cette fascination pour la modernité amène d’ailleurs Apollinaire à soutenir le futurisme de Marinetti et à défendre bientôt la peinture «métaphysique» de De Chirico.
Les Poèmes de la paix et de la guerre: "Calligrammes"
Quand il s’engage en décembre 1914 pour la durée de la guerre, le poète vient de vivre avec Louise de Coligny-Châtillon, surnommée Lou, une idylle amoureuse, qu’il exorcise par l’envoi de lettres du front à la bien-aimée. Il en publiera un petit nombre dans "Calligrammes" (1918), accompagnées de poèmes conversations et d’idéogrammes lyriques (les autres lettres feront l’objet, en 1947, d’une publication posthume sous le titre de "Poèmes à Lou").
D’abord artilleur, il est ensuite affecté dans le 96e régiment d’infanterie avec le grade de sous-lieutenant. Mais, blessé à la tempe par un éclat d’obus, il doit subir une trépanation (1916). Pendant sa convalescence paraît "le Poète assassiné" (1916), recueil de nouvelles et de contes à la fois mythiques et autobiographiques.
Dès sa guérison, Apollinaire se remet à l’écriture. Il fait mettre en scène un drame surréaliste un brin provocateur ("les Mamelles de Tirésias", 1917) qui, sur le ton de la farce, traite de questions sérieuses (la repopulation), et participe à une conférence très remarquée sur l’esprit nouveau, où il exalte l’esthétique de la surprise tout en se réclamant des valeurs de l’humanisme. Après son mariage en 1918 avec Jacqueline Kolb, la jolie rousse du dernier poème de "Calligrammes", il rédige plusieurs articles de critique journalistique, publie encore un recueil de chroniques ("le Flâneur des deux rives", 1918) avant de succomber le 9 novembre 1918, frappé par l’épidémie de grippe espagnole qui sévit en Europe.
Issu de la génération symboliste, mais admiré de son vivant par les jeunes et bruyants poètes qui constitueront le ferment du groupe surréaliste (Breton, Aragon, Soupault), Apollinaire préfigure, par l’originalité et la modernité de son oeuvre poétique, les grands bouleversements littéraires et poétiques qui naîtront dans l’entre-deux-guerres.
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