(1881-1958)
Ecrivain français dont l'oeuvre est à l'apogée du roman postbalzacien. D'une famille de magistrats et de financiers, Martin du Gard étudia à l'École des chartes, d'où il sortit archiviste-paléographe en 1905. La lecture de "Guerre et Paix", de Tolstoď, éveilla sa vocation de romancier et lui fit aborder très vite la carrière des lettres. Après quelques textes dont l'insuccès l'ébranla gravement, son deuxième roman, "Jean Barois" (1913), lui rallia toute une génération de lecteurs qui se reconnut dans ce parcours d'un catholique auquel la science de son temps fait abandonner la foi, militer auprès des matérialistes et des dreyfusards pour, au crépuscule de sa vie, revenir à la religion. C'est après la Grande Guerre qu'il entreprit le cycle romanesque des "Thibault" (neuf volumes publiés de 1922 à 1940), chronique de deux familles bourgeoises entre 1904 et 1918 et grande fresque sociologique. Dans "l'Été" 1914, la plus longue partie, et dans "l'Épilogue", qui vient donner tout leur sens aux précédentes, le romancier montre les destins individuels face au poids de l'histoire, force tragique qui vide l'univers de toute signification et laisse les personnages livrés à la solitude et à l'incommunicabilité.
En opposant les deux frères Thibault — Jacques, socialiste et pacifiste, et Antoine, qui a refusé l'engagement politique pour mieux assurer sa carrière de médecin — Martin du Gard a opposé deux attitudes à l'égard de la société et de la guerre. Contrairement à "Jean Barois", qui mêle de manière originale dialogues et indications scéniques, "les Thibault" sont d'une facture très classique, mis à part l'emploi du procédé de multiplication des points de vue subjectifs, technique narrative empruntée au cinéma et le large appel à la coopération active du lecteur. Refusant la facilité du pathétique, l'auteur s'efface derrière ses personnages dans un dépouillement extrême du style où l'on reconnaît la rigueur et la méthode de l'ancien chartiste. Martin du Gard, Prix Nobel de littérature en 1937, a également publié quelques nouvelles ("Confidence africaine", 1931), des pièces de théâtre ("le Testament du père Leleu", 1913, farce paysanne) et des scénarios de cinéma. Il laisse inachevée une autre somme romanesque commencée pendant la Seconde Guerre mondiale, et qui devait prendre la forme de souvenirs d'un officier ("le Lieutenant-colonel de Maumort", posth., 1983).