Les lettres qu'échangent les Persans plongent le lecteur français dans la réalité orientale. La curiosité est grand à une époque ou les relations de voyage en Orient abondent. Aussi Montesquieu ne néglige-t-il aucun effet de pittoresque: calendrier musulman, couleur local style fleuri. Les intrigues de harem et les personnages des eunuques donnent la cote libertine.
Mais l'auteur va bien au-delà des récits de Chardin ou de Tavernnier, ses principales sources. L'opposition ou parfois l'assimilation malicieuse entre l`islam et le christianisme est chargée des sous-entendus critiques. Les remarques faites sur le despotisme orients] permettent d'audacieux rapprochements avec la monarchie française.
A la date où paraissent les Lettres persanes, le personnage du correspondant oriental est déjà devenu un type littéraire. Montesquieu s'inspire de l'Espion turc de l'Italien Marana, paru en 1684. Mais il exploite mieux les resources de la forme épistolaire et fonde le genre du "roman par lettres". L'idée neuve de Lettres persanes et d'établir un réel échange de correspondance entre les voyageurs et la Perse. Les thèmes de l'Orient et de l'Occident sont ainsi liés étroitement, enrichis par la variété de points de vue qui s'expriment.
La succession de lettres dans le recueil permet en outre d'aborder sans transition une grande diversité de sujets, de susciter sans cesse un intérêt nouveau. Montesquieu reconnaissait, avec la forme épistolaire, s'être donné "l'avantage de pouvoir joindre de la philosophie, de la politique ou de lu morale à un roman, et de lier le tout par une chaîne secrète et, en quelques façon, inconnue". Enfin, par la composition habile du roman, l'écrivain ménage des surprises, provoque les rapprochements inattendus, des ruptures de ton, créant ainsi cette "esthétique du contrast"', dont l'écriture des Lumières tirera si grand profit.
Les lettres de Persans donnent lieu a une mordante satire de la société française des dernières années du règne de Louis XIV et de la Régence. Le roi "magicien", le pape, "vieille idole qu'on encense par habitude", le milieux parisiens, les caprices de la mode, les femmes, sont l'objet de leurs critiques malicieuses ou de leurs interrogations, tout aussi insolentes.
En introduisant, dans la société française des observateurs étrangers que tout étonne, Montesquieu créait la distance ironique capable de mettre en cause le bien-fondé des coutumes, de charger en bizzaries les usages Ses mieux admis, et finalement d'ebranler bien des certitudes. "Entrer chez les gens pour déconcerter leurs idées, leur faire la surprice d'être surpris de ce qu'ils font, de ce qu`ils pensent, et qu'ils n'ont jamais conçu différent, ce au moyen de l'ingénuité feinte ou réelle, donner à ressentir toute la relativité d'une civilisation, d'une confiance habituelle dans l'Ordre établi..."
Les grandes questions qui seront les principales revendications du combat philosophique s'expriment déjà dans les Lettres persanes, sous une forme ironique, faussement naïve ou paradoxale qui annonce Voltaire ou Diderot. Le bonheur y est présenté comme une exigence humaine. Montesquieu fait l`élogue de tout ce qui peut y contribuer : la vertu, la justice, le travail, la circulation, de richesses, le développement des ans, des sciences et des techniques. La défense de la liberté passe par l'appel à la tolérence et l'élogue du pluralisme religieux. Sur le plan politique, le despotisme, et son double, l'absolutisme, sont condamnes. La leçon enfin est d'obéir à la nature. Les préjugés et l`hypocricie dénaturent la verité; le roman les démasque. Rites et superstitions sont ridiculisés. Partout les lettres dénoncent "l`anti-nature" : en Occident, aussi bien dans les artifices de la mode que dans le célibat des moines, en Orient, dans la réclusion contre nature du sérail.
La bonne nouvelle des Lettres est que les hommes sont les comédiens qui s'en laissent conter par les charlatans. Les plus sages vivent eux aussi dans l`illusion: Usbek se croyait philosophe et découvre, par le suicide de Roxane, qu'il était un tyran. Organisation du recueil dénonce cette facticité : les lettres "occidentales" s'achèvent, sur la banqueroute de Law; fin d'une gigantesque supercherie financière; dans les dernières lettres "orientales", ce précipite la crise du sérail qui fait tomber tragiquement les masques de despotisme. La société entière repose sur des artifices; le pouvoir et la religion s'imposent par la magie.
Mais Montesquieu montrait que pour dissiper les mensonges et atteindre la verité, il n'est pas plus sur moyen que de provoquer le surpris, le doute. L'écriture des Lettres procède, elle aussi par ruses : la fausse naïvité des Persans est son meilleur masque. La distanciation ironique vient fausser les points de vue habituels. Les cibles sont abordées de biais. Et cette esthétique du trompe-œil appliqué à un monde de faux- semblants finit par redresser les perspectives et fait apparaître en plein la réalité, du mensonge. Montesquieu relevait au XVIIIe siècle le force de contestation qui se dégage d'un style.
Considérations sur les causes de la grandeur des romains et de leur décadence - 1734
Retiré après ses voyages dans son château de La Bréde. Montesquieu se consacra a l'étude de l'histoire. Ses Considérations constituent un livre précurseur de l'analyse historique moderne. Cet essai devait fermer un chapitre d'un ample ouvrage de philosophie politique que Montesquieu méditait depuis longtemps et qu'il commença alors à rédiger. Il ce sera achevé que treize ans plus tard, ce sera De l'esprit de lois.
Montesquieu impose une vision profondément renouvelée de. l'histoire en commençant par refuser l'idée que les faits historiques seraient l'objet du hasard : "Ce n'est pas la fortune qui domine la monde". Si nous pouvons peut-être croire, par erreur, que l'histoire est une suite d'événements fortuis et que des incidents règlent son cour capriceux, l'observation raisonnée doit permettre de découvrir la logique profonde des phénomènes, que masque l'incohérence des faits accidentels.
Bossuet, déjà, avait voulu voir dans l'histoire une logique mais il en attribuait le dessein aux ordres secrets de la divine providence. Montesquieu s'ecarte de ce providentialisme et met au point la théorie du déterminisme historique : l'histoire est déterminée par des causes, qui sont à l'oeuvre à des niveaux différents; les causes particulières sont multiples et apparentes; la cause générale est plus profonde et détermine elle-même toutes les causes particulières.
L'étude de ces causes permet de dégager des lois invariables. Travaillant sur l'histoire romaine, Montesquieu énonce ainsi la lois du déclin des peuples; quand l'esprit général d'une nation est atteint, quand le principe du gouvernement se perd, le peuple nécessairement dégénère. Les circonstances accidentelles ne feront que précipiter une chute inévitable.
Zaujímavosti o referátoch
Ďaľšie referáty z kategórie