La deuxième voie est celle du burlesque: le héros devient un bourgeois ou un homme du peuple (histoires comiques ou bourgeoises de Furetière ou de Scarron au XVIIe siècle). Ce peut être même un gueux, un vagabond: c’est la formule du roman picaresque, inventé en Espagne dès le XVIe siècle (Quevedo Alemán - "Lazarillo", 1554), mais diffusé dans toute l’Europe (Grimmelshauser - "Simplicius Simplissimus", 1669). Les grands romans réalistes et moraux anglais du XVIIIe siècle (Defoe, Richardson, Fielding, Smollett) suivent cette voie et fixent de nouveaux modèles: Diderot loue la sentimentalité des oeuvres de ces auteurs mais déplore d’être obligé d’utiliser pour eux le nom de roman.
Les romanciers cherchent aussi à créer l’illusion d’une absence de différences essentielles entre le roman et le récit naturel des choses que nous avons vues et entendues, absence qui, bien plus tard, irritera tant Valéry. Cette volonté de conférer une vérité au roman explique la vogue du roman épistolaire, qui est illustré brillamment par Guilleragues, Montesquieu ou Richardson, et plus tard par Rousseau, Laclos, Restif de la Bretonne, et qui annihile la différence entre la création romanesque et la réalité. Ce goût de la vérité explique également le succès de la nouvelle, et particulièrement de la nouvelle historique (illustrée par des auteurs comme Saint-Réal ou Mme de La Fayette), et du récit à la première personne imitant l’autobiographie (ce qu’on appelle les Vies, les Mémoires fictifs), comme le faisait déjà l’auteur anonyme de "la Vie de Lazarillo de Tormes" mais aussi Prévost, Fielding ou Marivaux.
Toutes ces voies, tracées contre l’esthétique "d’Amadis de Gaule", lui empruntent pourtant certains traits, comme la longueur ("Histoire de Tom Jones, enfant trouvé", de Fielding comprend par exemple dix-huit livres), le goût de l’aventure ou celui de l’amour, caractères qui faisaient précisément le charme "d’Amadis".
D’autre part, on notera des évolutions surprenantes: le conflit de la vertu et du vice qui alimente les romans dits sentimentaux débouche sur les romans du mal (Restif de la Bretonne, Laclos, Sade), qui s’ouvrent au diabolique, donnant naissance aux romans noirs anglais (ou romans gothiques) avec des auteurs comme Horace Walpole, Ann Radcliffe, Matthew Gregory Lewis ou Mary Shelley. Le genre du roman noir trouve naturellement son prolongement en Amérique en même temps que s’invente le genre du roman fantastique (Cazotte).
Le grand roman du XIXe siècle
Ce sont les romans de l’Écossais Walter Scott qui créent le roman historique moderne, un genre qui connaît bientôt la gloire partout, et en Angleterre particulièrement avec des auteurs comme Dickens, Thackerey, Trollope ou Eliot, mais aussi en France avec Hugo et Dumas, ainsi qu’en Italie avec Manzoni ("les Fiancés") et en Allemagne avec Freytag, aussi bien qu’en Amérique avec Fenimore Cooper. Le roman historique produira des chefs-d’oeuvre jusque tard dans le siècle (Tolstoï).
Scott donne surtout l’idée du roman comme reconstitution totale d’une société: c’est lui qu’invoque Balzac quand il écrit son avant-propos à "la Comédie humaine" (1842), où il explicite son grand projet du réalisme (La société française allait être l’historien, je ne devais en être que le secrétaire). Le roman triomphe commercialement au XIXe siècle (le roman-feuilleton est illustré par Dumas, Sue, Ponson du Terrail) en même temps qu’il cherche sa légitimation: la fiction veut rivaliser avec l’Histoire et la philosophie, et prend pour référence les sciences de la nature. Zola et les autres naturalistes prolongeront cette entreprise.
Le roman d’apprentissage et d’amour du XVIIIe siècle, dont les Allemands avaient offert de fascinants modèles à la fin du siècle (succès immense de "Werther", de Goethe), tourne alors au roman social (Stendhal, Balzac, Flaubert en France, Dickens et Emily Bronte en Angleterre, Gogol et Tourgueniev en Russie). Le roman du temps propose des figures autobiographiques (Chateaubriand, Constant) et retrouve le sens tragique (Zola, Hardy, Dostoïevski). La littérature des États-Unis invente sa propre mythologie en utilisant la veine réaliste (Twain), donnant naissance à des oeuvres au symbolisme puissant (Melville, Hawthorne).
Les romans au XXe siècle
A partir de la fin du XIXe siècle, le roman, genre autrefois mineur, s’impose. En outre, il s’est mondialisé sous sa forme européenne, et son histoire se fait désormais à travers les apports nationaux les plus divers: roman japonais (Mishima, Kawabata), chinois (Ba Jin, Maon Dun), arabe (Mahfouz), anglo-américain (Dos Passos, Steinbeck, Fitzgerald, Hemingway, Faulkner, Capote, Bellow, Mailer) ou latino-américain (García Márquez, Fuentes, Vargas Llosa), etc. La production populaire s’est également multipliée, en reprenant des formules anciennes ou en créant de nouveaux genres (science-fiction, roman policier, roman d’espionnage).
Dans le même temps, le genre a fait une sorte de retour sur lui-même: les écrivains composent leur art du roman, que ce soit sous la forme d’essais ou au sein même de leurs romans (James, Joyce, Proust, Virginia Woolf, Gertrude Stein, Nabokov et tous les auteurs français du Nouveau roman).
Au début du siècle, la technique du point de vue élaborée au siècle précédent par des auteurs comme Stendhal, Flaubert ou Maupassant prend une importance particulière (Henry James). C’est ainsi que dans les romans modernes, la conscience du monde prime souvent, au détriment de sa représentation (notamment grâce à la technique du monologue intérieur), et les romans explorent une temporalité qui n’est plus celle du monde social (Virginia Woolf, Foster, Döblin, Dos Passos, Faulkner). Le roman peut en outre utiliser le langage parlé (Céline), des dialectes divers (Gadda) ou encore reprendre tous les grands textes de la culture (Joyce).
Les auteurs hésitent entre la remise en question (voire le refus) du roman et de son culte, entre la recherche de formules radicalement nouvelles (Nouveau Roman) et la reprise parfois ironique de l’héritage historique du genre. Quelle que soit la voie choisie, le roman fournit souvent une méditation sur le destin de l’Occident ou sur la condition humaine (Thomas Mann, Musil, Kafka, Hesse, Céline, Gombrowicz, Malraux, Kundera): il s’est imposé comme mode de représentation réaliste ou symbolique du réel.
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