L’opposant Hugo
Poèmes de l’exil
Dans les Châtiments (1853), fruit du premier hiver d’exil, Hugo consacra à «Napoléon le Petit», comme il l’appelait, toute une série de vers aussi indignés que véhéments. L’ouvrage circula aussitôt en contrebande en France. Le recueil des Châtiments se compose de 6 200 vers, organisés en sept parties. Chacune de ces parties a pour titre une des formules qu’avait utilisées Napoléon III pour justifier son coup d’État. Le recueil s’ouvre sur un poème Nox («nuit») auquel répond un autre poème, Lux («lumière, jour»): le premier fait allusion aux ténèbres qui enveloppent le temps présent (le règne de Napoléon III), le second confirme l’espérance d’un avenir meilleur.
Une fois les Châtiments écrits et publiés, Victor Hugo se lança, avec sa poésie, à l’assaut de tous les domaines de la connaissance: connaissance de la nature, du moi et de l’univers dans les Contemplations (1856), exploration et synthèse de l’histoire dans la Légende des siècles (1859-1883), connaissance du divin dans Dieu (écrit en 1855, posthume, 1891) et dans la Fin de Satan (posthume, 1886). Si les Contemplations s’articulent encore autour de la terrible épreuve que fut pour le poète la mort de sa fille (les poèmes «Autrefois» et «Aujourd’hui» y évoquent Léopoldine), la Légende des siècles est le projet d’une épopée qui embrasse la totalité de l’histoire et dont les poèmes illustrent la suite des âges.
Romans de l’exil
Dans la solitude de l’exil naquirent également les plus grands romans de Victor Hugo. Imaginé et travaillé dès 1840, à l’image des grands romans sociaux de Balzac ou de Sue, les Misérables fut publié en 1862 et accueilli avec réserve par la critique mais avec un enthousiasme délirant par le public, tant en Europe qu’aux États-Unis. Hugo confiait d’ailleurs à son éditeur, avant même d’avoir achevé la relecture des Misérables: «Ma conviction est que ce livre sera un des principaux sommets, sinon le principal, de mon oeuvre.» Les Misérables met en scène l’histoire et le progrès du peuple en marche; malgré cette dimension épique, les personnages principaux — leurs expériences, leur souffrance, etc. — sont nettement individualisés. Fantine, Jean Valjean, Cosette, Marius, Gavroche restent en effet dans leurs destins particuliers (quoique représentatifs de toute leur classe) les enjeux essentiels du récit.
A la vision réaliste du monde que proposent les romans de Balzac ou de Flaubert, s’oppose l’univers fabuleux (bien qu’historiquement marqué) des Travailleurs de la mer (1866) ou de l’Homme qui rit (1869). Les Travailleurs de la mer se présente comme le récit de la conquête de la nature par l’Homme, puisque les deux personnages principaux, Lethierry et Gilliatt, mus par leur idéal, y affrontent héroïquement la violence des tempêtes et de la faune marine. Quant à l’Homme qui rit, il conte les épreuves de Gwymplaine, fils d’un noble proscrit à cause de ses opinions républicaines dans l’Angleterre de la fin du XVe siècle. Les Travailleurs de la mer, l’Homme qui rit et Quatre vingt-treize, roman sur la Révolution écrit en 1872 lors d’un retour volontaire à l’exil, montrent avant tout l’échec de l’homme à réformer une société injuste et inégalitaire.
Un patriarche des lettres
L’écroulement de l’Empire lors de la guerre contre la Prusse en 1870 permit à Victor Hugo de revenir en France. Son retour fut triomphal et, en février, il fut élu député à la Constituante avec 214 169 voix. Il avait de vastes projets politiques: abolition de la peine de mort, réforme de la magistrature, défense des droits de la femme, instruction obligatoire et gratuite, création des États-Unis d’Europe. Mais, au bout d’un mois, désillusionné, il démissionna. Avec l’Année terrible (1872), sa poésie retrouva le ton des Châtiments pour témoigner des événements de la Commune.
Hugo était alors devenu pour les Français une sorte de patriarche national des lettres. Lorsqu’il s’éteignit, le 22 mai 1885, un cortège de plusieurs centaines de milliers de personnes suivit, depuis l’Étoile jusqu’au Panthéon, le «corbillard des pauvres» qu’il avait réclamé. «Je donne cinquante mille francs aux pauvres. Je désire être porté au cimetičre dans leur corbillard. Je refuse l’oraison de toutes les Églises. Je demande une pričre à toutes les âmes. Je crois en Dieu.»: ce furent là ses dernières volontés.
Victor Hugo fut peut-être, de tous les écrivains français, le plus remarquable par la longévité de son inspiration et par sa parfaite maîtrise technique. Aussi aborda-t-il tous les thèmes, utilisa-t-il tous les registres et tous les genres, allant de la fresque épique au poème intimiste. Son influence est encore aujourd’hui incommensurable. Certains de ses textes d’observation comme Choses vues ou de ses textes critiques comme Littérature et philosophie mêlées (1834) ou William Shakespeare (1864) témoignent, s’il était besoin, de la cohérence esthétique et de la plénitude de l’oeuvre hugolienne.
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